08/02  16/03/24
Adam Himebauch
"Never Ever Land"

Galerie Ceysson & Bénétière, New-York

Installation view Adam Himebauch, Never Ever Land, 202, Ceysson & Bénétière, New-York, ©Adam Reich Courtesy C & B
Installation view Adam Himebauch, Never Ever Land, 202, Ceysson & Bénétière, New-York, ©Adam Reich Courtesy C & B

Dans son dernier projet intitulé "Never Ever Land", Adam Himebauch hybride performance immersive éphémère et peinture d’objet traditionnelle. Ce projet illustre également la façon dont l’artiste puise dans son histoire personnelle et professionnelle pour habilement fusionner ses aventures artistiques passées sous forme d’apothéose.

« La galerie est composée de deux salles reliées par un petit couloir. Dans l'une d’elle sont exposées cinq paysages de grand format reproduisant l'expérience de regarder par la fenêtre. Dans l'autre, dix collages encerclent un espace central dans lequel se trouve un lit monté sur un grand piédestal blanc. Adam Himebauch dormira dans ce lit pendant le vernissage, le premier "sleep-in" d’une durée de 30 jours, les 29 jours suivants étant retransmis en direct pour les spectateurs virtuels.

Ici, l'élément performatif de ‘‘Never Ever Land’’ fait se rencontrer l’approche classique de Marina Abramović et l'ère digitale contemporaine, en associant l'invitation ouverte qu’Abramović lance à ses spectateurs de participer à l'œuvre avec un questionnement subtil sur le phénomène grandissant de désinformation digitale. Ici, Adam Himebauch invite ses spectateurs à l'observer, physiquement et virtuellement, dans son état le plus vulnérable. Car c’est dans un lit que nous passons nos moments les plus privés, vulnérables et importants. Nous dormons et rêvons dans un lit. Nous concevons et donnons naissance dans un lit. Nous y restons malades. Nous nous y reposons. Nous naissons dans un lit et, à la fin, nous mourons dans un lit. Si l'on considère toutes ces activités et ces états conscients ou inconscients, on peut dire que le lit berce notre moi physique et spirituel pendant la plus grande partie de notre vie. Adam Himebauch passera 30 jours consécutifs dans le lit de son enfance, tandis que les visiteurs du vernissage, et ensuite les spectateurs virtuels de l’exposition, seront invités à jouer les voyeurs. Mais observeront-ils vraiment ce qu'ils croient observer ? Adam Himebauch sera-t-il réellement dans le lit en train de dormir ou de se reposer en temps réel, ou bien les images seront-elles préenregistrées et diffusées en boucle ? Le fait même que nous puissions nous poser ces questions transforme les règles de la performance traditionnelle. Lorsque Marina Abramović se livra à la performance The Artist is Present en 2010, le public ne pouvait douter qu'elle fût présente puisqu’il pouvait venir la voir tous les jours et contempler sa robe ample et ses cheveux tressés pendant des heures s’il le souhaitait. En 2023, peu de choses sont physiquement présentes, comme le souligne Adam Himebauch en proposant la majeure partie de son exposition en ligne. Sans la possibilité d’être présent dans le même espace que l’artiste couché dans son lit, comment pouvons-nous croire en ce que nous voyons ? Est-il même exigé de l’artiste qu'il fasse ce qu'il prétend faire, ou bien la simple suggestion suffit-elle ? Peut-être qu'en donnant à ses spectateurs l’opportunité de s'interroger, de réfléchir et de discerner par eux-mêmes, Adam Himebauch leur fait un cadeau encore plus généreux et ouvert que s’il leur donnait une réponse certaine.

La résonance symbolique et sensible du lit trouve un écho dans les toiles qui l'entourent. Chacun des paysages est un souvenir ou une rêverie abstraite inspirée à l’artiste par son histoire, révélant des épisodes intimes de sa vie d’une manière sans précédent, bien qu’ils soient dans le même temps dissimulés par leur abstraction visuelle. L’artiste divulgue souvent des aspects de lui-même dans son travail, mais jamais complètement. Sa vie comme renégat de l’art urbain sous le pseudonyme Hanksy incarne bien cette dialectique : l’artiste est bel et bien le créateur des œuvres, mais à travers le prisme distancié de son personnage imaginaire. Dans son projet Back To The Future, Adam Himebauch a une fois de plus incorporé des aspects de lui-même dans son œuvre, mais de manière ésotérique et discontinue. Le projet consiste en une rétrospective de la carrière d'un Adam Himebauch du futur, beaucoup plus âgé, à l’apogée de sa vie et de son art. L’artiste n'a pourtant pas encore vécu le passage de ces années et de ces étapes, et l'homme célébré par le projet n'existe pas encore.

Tout au long de sa carrière, Adam Himebauch n’a cessé de se livrer à une exploration complexe et captivante de la singularité de son moi, en même temps que de ses diverses facettes. Il a exploré son avenir, créé à partir de son présent, et se tourne maintenant vers son passé pour fusionner toutes ces époques. »

 

Dr. Lizy Dastin, 2023