Né près de Pékin en 1949, à la veille de la proclamation de la République populaire de Chine, le jeune Wang Keping voit la censure politique entraver chacune de ses tentatives littéraires, ne le laissant jamais étancher une soif d’expression, héritée de son enfance dans une famille d’intellectuels et aiguisée à l’adolescence par l’oppression subie dans les camps de rééducation.
Autodidacte, comme toute la génération sacrifiée de la Révolution culturelle, tour à tour leader de la révolte lycéenne, paysan forcé, acteur dans le théâtre de l’armée, ouvrier, scénariste pour la télévision centrale, Wang Keping se découvre sculpteur presque par accident, à l’aube de ses trente ans, en taillant un barreau de chaise. C’est une révélation, dont chaque sculpture à venir sera la réitération muette et jubilatoire. Silence est précisément le titre de l’œuvre qui rendra célèbre l’écrivain contrarié au moment où il fonde en 1979 avec le Mouvement des Étoiles, le premier groupe d’avant-garde chinois aux côtés de Huang Rui et Ma Desheng, quelques années avant qu'Ai Weiwei, vienne prendre avec fracas la relève de la dissidence.
Arrivé en France en 1984, Wang Keping se trouve enfin libéré de la censure. Dans ce pays d’accueil, les mots lui font cependant défaut une seconde fois pour trouver la reconnaissance. « Je parle avec le bois », explique l’artiste, qui passe alors ses journées seul à l’atelier. À nouveau, la sculpture s’impose comme le lieu d’un langage universel à inventer, à déployer.
Extrait de « Wang Keping, itinéraire d’un sculpteur » par Anne-Laure Buffard et Aline Wang, Wang Keping Paris, Flammarion, 2022