19/09  22/11/25
ORLAN
« ORLAN TOUT(E)S »

Galerie Ceysson & Bénétière, Saint-Étienne

ORLAN, Corps et sculpture jambes croisées sur chaise, 1964, photographie noir et blanc, 115 x 175 cm, courtesy Ceysson & Bénétière / ORLAN, Drapé, 2015, sérigraphie sur Rivoli, 300 gr, 70 x 50 cm, édition de 100 exemplaires, signée et numérotée en bas à droite © DR
ORLAN, Corps et sculpture jambes croisées sur chaise, 1964, photographie noir et blanc, 115 x 175 cm, courtesy Ceysson & Bénétière / ORLAN, Drapé, 2015, sérigraphie sur Rivoli, 300 gr, 70 x 50 cm, édition de 100 exemplaires, signée et numérotée en bas à droite © DR

La galerie Ceysson & Bénétière Paris présente du 19 septembre au 22 novembre 2025 une exposition dédiée aux œuvres d'ORLAN. ORLAN TOUT(E)S, revient sur la multiplicité et la fluidité de l'identité de l’artiste : en reprenant l’expression « en avant toute » qui suggère le déplacement et le mouvement, mais aussi en mettant le pluriel entre parenthèses.

« Je sommes », « je suis ORLAN entre autres et dans la mesure du possible », « je suis un femme et une homme » : autant d’expressions utilisées par l’artiste pour se réinventer en permanence. Déjà depuis ses premières œuvres au début des années 1960, elle se renomme et choisit « ORLAN » (après être passée par « Or-lent » et « Orl’an »), s’extrayant de son héritage biologique et rejetant le nom du père – une tentative de rejeter le patriarcat. Plus encore, dès les années 1990, ORLAN dresse un discours critique sur l’inné et son rapport avec les normes en affirmant que le corps humain est obsolète et que « l’anatomie n’est plus un destin ». Paroxysme atteint lors de ses performances chirurgicales, lorsque son visage serait devenu une sorte d’image ou de masque qu’il est possible de retirer et de mettre à volonté.

L’exposition présente ainsi un travail d’autoportrait réalisé durant près d’une soixantaine d’années. Les premières œuvres photographiques d’ORLAN, les Corps sculptures, mettent en scène la métamorphose de son corps en sculpture par un travail d’ombre et de lumière. Des photographies inédites réalisées à la même période sont présentées à l’occasion de cette exposition, montrant l’artiste adoptant différentes poses stéréotypées de magazine « féminin », mais prises dans ce qui apparaît comme un atelier d’artiste, mélangeant ainsi un « art noble » à des images populaires.

Dès les années 1970, ORLAN entretient un autre rapport à la photographie et y introduit la performance : les MesuRages consistent ainsi à mesurer des rues portant le nom de «grands hommes» ou de musées, avec son propre corps qui lui fournit l’unité de mesure ORLAN-corps. Celui-ci lui permet de faire voir les rapports de pouvoirs entre les genres dans l’espace, mais également dans la littérature avec une version statique, Un ORLAN-corps-de-livres. Se mettant en scène devant un tableau du Louvre pour dévoiler sa pilosité pubienne (À Poil Sans Poils) ou utilisant une reproduction de son propre buste pour vendre des baisers ou des cierges à Sainte ORLAN (le célèbre Baiser de l’Artiste), l’intermédialité entre la photographie et la performance permet de montrer ce que l’on ne voit pas. En ce sens, les photographies post-performances chirurgicales font apparaître ce qui est ordinairement évincé, c’est-à-dire les hématomes, les gonflements et les rougeurs post-chirurgicaux. La fluidité des médiums photographiques et performatifs renvoie donc à la fluidité de l’identité d’ORLAN.

Cette réflexion passe également par un travail sur le drapé baroque, sorte de seconde peau, avec lequel l’artiste se prête à un jeu de rôle : avec Sainte ORLAN, elle explore la logique du « et » baroque approchant les contraires, comme c’est le cas ici avec l’iconographie traditionnelle « et » la technologie contemporaine de l’époque (rayon laser, projection vidéo...

Enfin, l’exposition met en avant la poursuite de ce travail sur le « et » baroque, avec des œuvres récentes qui s’inscrivent dans la continuité des Self-Hybridations. La métamorphose de l’artiste passe alors par le collage, le photomontage numérique, et le morphing mêlant l’image d’elle-même avec des icônes de l’histoire de l’art en préparation des performances chirurgicales. De nouvelles réalisations jouent également sur le mode de l’hybridation : ORLAN s’hybride avec le style de Picasso en reprenant les portraits de Dora Maar en train de pleurer, émettant un commentaire sur le rôle de la muse ; elle fait un « femmage » aux femmes « oubliées » de l’histoire en revisitant le portrait historique... Pour finir, l’artiste propose des images post-humaines en utilisant les nouvelles technologies, entre constat futur de l’innovation et critique de l’anthropocentrisme : à partir de l’intelligence artificielle, ORLAN crée des images de robots (en référence à son ORLANoïde), composés en matériaux recyclés, qui accompagnent des animaux en voie de disparition dans leurs cadres naturels. ORLAN TOUTE(S) expose donc toutes les métamorphoses et variabilités de ce que pourrait être, dans un monde en perpétuelle évolution, d’être ORLAN.

Quentin Petit Dit Duhal