À l’occasion de la 17e Biennale de Lyon, la galerie Ceysson & Bénétière présente la seconde exposition d’Antwan Horfee dans ses espaces. L'artiste français, né à Paris en 1983, avait déjà été mis en avant lors de la 15e édition de la Biennale au Musée des Beaux-Arts de Lyon sous le commissariat d’Hugo Vitrani. L'exposition Fantasia tire son nom de l'iconique film de Walt Disney réalisé en 1940. Elle rend hommage à ce classique qui accorde musique symphonique et images animées à travers un enchainement de fresques et chapitres thématiques. L'œuvre animée de l'exposition est inspirée de la séquence de panneaux représentant des décors naturels. Dans ces scènes, on y observe la vie quotidienne des dinosaures dans un travelling continu.
Les auteurs de décors ont été très importants pour l’engagement artistique d’Antwan Horfee. On peut citer ses références comme le très marquant Don Bluth (à qui on doit Fievel ou encore Brisby) ; le virtuose de l’humour Chuck Jones, réputé pour ses décors et son rythme en animation ; Eyvind Earle et ses forêts emblématiques de La belle au bois dormant, 1959.
Les décors sont très sous-estimés en tant que forme d’art autonome dans le dessin animé. Horfee y voit un cas classique de hiérarchisation des arts et précise pourtant « il y a, à mes yeux, un attachement émotionnel évident dans certains décors, Fantasia, 1940, Brisby, 1982, ou encore Le petit dinosaure et la vallée des merveilles, 1988 ».
Ces décors sont faits pour accueillir de l’action sur le devant, ils sont là pour transmettre facilement un contexte bucolique, triste ou propice à resserrer l’attention sur ce qu’on y voit, ce qui bouge à l’avant plan, ou ce qui s’y imbrique. Horfee considère les peintures présentées dans cette exposition comme faisant partie d’un process pour créer un film. Utiliser la peinture pour faire un décor, c’est une chose, mais évidemment y faire correspondre sa narration en est une autre. Le peintre lui-même a son histoire et se doit des fois de s’en émanciper.
L’artiste questionne donc ici ses capacités à décrire une atmosphère sans la teinter automatiquement de sa signature ou de sa sensibilité plus directe, comme à son habitude. Apposer sa signature d’un geste retentissant ou reconnaissable n’est pas forcément nécessaire. Cette exposition amène le regardeur à voir des lieux scéniques, de près ou de loin, précis ou en mouvement troubles. Le visiteur peut s'interroger sur l'absence du sujet, mais s'il le souhaite, il peut aussi accepter que ces peintures se suffisent à elles-mêmes. Elles appellent à l’imagination de chacun, comme pour décrire une temporalité diverse, elles deviennent un espace dédié à la créativité (surtout si elles ont un rôle dans le film animé). L’artiste ajoute : « mon intention est de faire du décor le sujet central de cette série. Renoncer à montrer du doigt qui sera le héros de la scène, c’est le droit que je me réserve, une sorte de refus de l’autorité présentielle ». Une fois dit, on doit considérer cet ensemble d’images peintes comme un panel théâtral prêt à l’emploi, une cartographie dans laquelle se trouve potentiellement le désir du spectateur à se raconter lui-même la fiction de son choix.